Rob V

Bonjour, je m’appelle Rob V. et je suis un survivant d’une lésion cérébrale. Chaque lésion cérébrale a une histoire, voici la mienne. Avant juillet 2012, j’avais une vie normale. J’ai grandi à Orangeville, et j’ai étudié l’hôtellerie à l’université Ryerson (aujourd’hui appelée Toronto Metropolitan). J’ai travaillé dans des hôtels et des casinos en Ontario et en Alberta. Mon dernier poste était celui de directeur général d’une maison de retraite. C’est alors que j’ai contracté une encéphalite virale, suivie d’un accident vasculaire cérébral et des crises d’épilepsie.

Le 19 juillet 2012, je me suis senti un peu malade. Mon épouse m’a emmené à l’hôpital de Huntsville où j’ai fait des allers-retours pendant quatre jours. De très nombreux symptômes ont été examinés. Je n’allais pas bien et je perdais peu à peu le contrôle de tout. J’étais chez moi le 23 juillet lorsqu’on m’a appelé pour me demander de revenir à l’hôpital parce qu’on avait reçu mes résultats sanguins et que j’avais besoin d’un médicament anti-virus le plus rapidement possible. Après quatre jours aux soins intensifs, j’ai été envoyé à l’hôpital St Michael de Toronto pour neuf jours, dont je ne souviens pas beaucoup. Je n’en ai pas beaucoup de souvenirs. Je me souviens d’une piqûre qui m’a fait mal, d’une leçon de marche qui m’a fait mal et de ne pas avoir su utiliser le bouton « Aide », ce qui a eu des conséquences fâcheuses. Cependant, ma femme Colleen en témoigne :

« Le rétablissement de Rob a été une période difficile pour lui et effrayante pour moi. Chaque jour était un nouveau défi pour Rob, mais chaque jour apportait aussi un nouveau niveau de rétablissement. En l’espace de neuf jours, il est passé d’être incapable de marcher, de parler ou de se nourrir à être capable de faire tout cela. Bien qu’il ne soit plus tout à fait le même, certains aspects de la personnalité de Rob n’ont jamais changé : son éthique de travail et sa détermination à s’améliorer, même lorsqu’il était découragé par ses progrès. Mon message à tous ceux et celles qui se trouvent dans la même situation que moi, en tant qu’aidant, est ‘N’abandonnez pas! Se remettre d’une lésion cérébrale n’est PAS un sprint, c’est un marathon. » 

J’étais de retour dans une ambulance à l’hôpital de Huntsville pour 12 jours supplémentaires. Je ne comprenais toujours pas grand-chose et je ne savais toujours pas comment utiliser le bouton « Aide ». Finalement, j’ai pu partir pour la journée. Ma première douche seul a été un grand gâchis. L’eau chaude, froide, la douche, le savon : tout me semblait familier, mais par où commencer ? On m’a proposé de l’aide. J’ai refusé, mais j’aurais dû accepter. Au bout de neuf jours, on a eu une réunion, moi, Colleen, mes parents et le médecin. La réunion ne s’est pas bien passée. Je voulais rentrer chez moi mais ils parlaient d’un autre hôpital. J’étais très en colère, c’est le moins que l’on puisse dire. Le 14 août, mon médecin a retiré un tube de 16 pouces de mon bras et m’a donné congé. J’ai ensuite passé huit semaines à l’hôpital de réadaptation Bridgepoint. J’ai travaillé avec de nombreux thérapeutes et j’ai eu de nombreux accrochages très drôles avec d’autres personnes en réadaptation.

Au cours de ma sixième semaine, il y a eu une réunion avec Colleen, mes parents, les thérapeutes et le médecin. J’avais arrangé les sièges pour pouvoir voir tout le monde. Les thérapeutes ont pris la parole et dit que j’étais bon en ergothérapie, en orthophonie et en physiothérapie. Bravo! Ils souriaient et j’ai cru que j’allais bientôt rentrer chez moi !

Ensuite, ce fut le tour du médecin. Il sortit un modèle de cerveau, le démonta et commença à faire des commentaires. Je ne voyais plus que des prises de notes et des larmes. La dernière chose dont je me souviens, c’est ‘Rob doit rester sept semaines de plus.’

Je me suis dit : ‘Zut ! Ai-je échoué ? Je pense que oui. Et si je ne m’améliore pas?’

Mes thérapeutes préférés m’ont emmené au Centre Eaton, à l’épicerie, dans l’autobus, etc. Apparemment, j’avais quelques points à travailler, ce qui est probablement l’une des raisons pour lesquelles j’ai dû rester un peu plus longtemps. Apprendre, c’était comme aller à l’école. Nous avons parlé de beaucoup de choses : faire des appels téléphoniques, compter, la mémoire, l’orthographe, les discussions, les noms, l’écriture. C’était sans fin. Il s’est passé tellement de choses : 15 semaines, c’est long. J’ai quitté le centre de réadaptation à la fin du mois de novembre 2012. J’étais heureux de sortir. On m’a dit ‘Tout va bien, bonne chance, continuez à travailler et profitez de la ‘nouvelle normalité.’’ À ce moment précis, je détestais l’expression ‘nouvelle normalité’.

Lorsque j’ai quitté Bridgepoint, on a entamé les démarches pour que je récupère mon permis de conduire. Après beaucoup de travail travaux au centre de réadaptation Skill Builder, j’ai récupéré mon permis en mars 2013. Il était temps de conduire à nouveau. Je me sentais comme lorsque j’avais 16 ans et que j’avais obtenu mon permis de conduire. Je pensais que j’allais presque mieux.

En mai et juin, j’ai été très occupé. Beaucoup de listes et de projets ont vu le jour. J’avais récupéré mon permis de conduire depuis trois mois et je pensais être rétabli à 80 %. Je sais que 80 % n’arrivera jamais, mais cela devient lentement plus acceptable.

Le long week-end est arrivé et nous sommes partis dans un chalet. On s’amusait et on buvait en s’amusant. À un moment donné, le dimanche soir, je n’ai pas pu parler pendant un court laps de temps. Cela s’est produit plusieurs fois au cours des jours suivants, ce qui s’est avéré être des mini-crises d’épilepsie. Le 7 juillet 2013, les choses se sont à nouveau gâtées. Je me suis réveille à l’hôpital et la première chose dont je me souviens, c’est que le médecin me dit de ne plus conduire et de ne plus boire. Mon cerveau marchait à l’envers à cause des crises. C’était reparti.

J’ai consulté mon médecin et mon neurologue à de nombreuses reprises et j’ai passé six IRM. On a organisé des réunions à domicile dans le cadre du programme Closing the Gap et j’ai continué à voir mon orthophoniste pendant encore deux ans. Ce qui est amusant, c’est que mon fils lycéen m’a conduit à certaines réunions avant que je ne récupère mon permis de conduire !

En octobre 2013, mon orthophoniste m’a mis en contact avec Brain Injury Services (BIS). Je ne les connaissais pas à l’époque, mais BIS a été là pour m’aider au début de mon parcours.

En novembre 2013, j’ai envoyé 40 cartes de Noël. On m’avait dit que cela me ferait du bien, même si je ne trouvais pas que 2013 avait été ma meilleure année.

La meilleure chose, c’est que j’ai finalement reçu ma prescription de marijuana médicale, qui m’a aidé depuis. Cela soulage mon stress, mon anxiété et bien d’autres choses encore.

En 2014 j’ai récupéré mon permis. La première chose que j’ai faite fut de poser ma candidature en tant que chauffeur bénévole pour le cancer. J’étais tellement nerveux lorsque j’ai raconté mon histoire. La seule question qu’on m’a posée fut: ‘Avez-vous un permis de conduire ?’ Nous nous sommes très bien entendus ! En février, j’ai suivi ma formation de conducteur avec un homme de 85 ans. En plus de conduire bénévolement, je me suis occupé des boîtes de don de jonquilles. J’ai beaucoup d’histoires, heureuses et tristes. À ce moment-là, je pensais que j’étais prêt à travailler à temps plein. J’ai découvert que j’aimais les rencontres rapides avec les gens. Les courts trajets en voiture étaient les meilleurs. Lorsque je restais dehors pendant plus de trois heures, cela m’épuisait. Conduire m’a aidé à comprendre mes défis: trois journées bien remplies me prenaient six jours pour récupérer. Deux semaines d’affilée me ralentissaient davantage et une troisième, c’était trop. Ce que j’ai vraiment appris, c’est que même lorsque j’avais le contrôle, je faisais toujours des erreurs. Il m’a fallu beaucoup de temps pour l’accepter. Les défis sont difficiles à relever au quotidien.

En janvier 2014, les réunions à domicile avec Brain Injury Service ont commencé. Ça se passait bien. Il y avait une bonne dose d’enseignement, mais j’avais aussi l’occasion de raconter des histoires, et probablement de me répéter. Les discussions étaient extrêmement utiles et honnêtes. Je n’ai pas écouté toutes les idées discutées, mais je sais maintenant pourquoi BIS devait continuer à être honnête avec moi. J’ai eu trois ans et demi de réunions à domicile avec BIS, dont la dernière en juin 2017, pour parler de défis, et de choses personnelles. J’ai eu l’impression d’être un finissant de 13ème année.

Ma première réunion de groupe BIS m’a ouvert des portes. Je ne m’attendais vraiment à rien, ou je ne savais pas à quoi m’attendre. C’est amusant de rencontrer de nouvelles personnes. Il y a eu quelques nouvelles personnes qui sont arrivées aux réunions de groupe et je pensais qu’ils étaient des animateurs. On ne sait pas si quelqu’un est atteint d’une lésion cérébrale. Je me souviens d’une fois où une nouvelle personne y est arrivée. J’étais heureux de partager et de répondre à toutes ses questions. Sa dernière question avait été de savoir quand tout cela m’était arrivé, et la personne eut un regard confus et interrogateur lorsqu’elle a réalisé depuis combien d’années j’étais là. C’est le même sentiment que j’ai éprouvé lors de ma première réunion de BIS. L’une des très bonnes choses de BIS a été le groupe d’amis du cerveau que nous avions créé. Nous nous sommes souvent réunis depuis. Nous étions tous à BIS à des moments différents, ce qui rend les choses très intéressantes. Nous étions tous à BIS pour des raisons différentes, ce qui rend les choses très intéressantes. Ce fut le début d’une grande amitié.

En 2018, la réalité s’est imposée. J’ai reçu un chien âgé et ce fut le moment idéal pour l’accueillir. Les chiens m’aident à soulager mon anxiété, entre autres. Il y a quelques années, je me suis fait percer l’oreille. Je trouvais que cela changeait de ma vie d’avant. J’ai également fait quelques tatouages pour la même raison.

Ces onze dernières années ont donc été pour moi des montagnes russes. À plusieurs reprises, j’aurais pu sortir des rails, mais je ne l’ai pas fait ! Cela dit, il y a eu de bons moments, de mauvais moments, des moments drôles et beaucoup de moments difficiles entre les deux, mais je suis toujours là !

Si vous pouviez revenir en arrière, au moment où vous avez subi votre lésion cérébrale, et vous dire une chose, quelle serait-elle ?

Je me dirais d’être un peu plus patient et d’accepter positivement le nouveau mode de vie et les différents défis.

Qu’aimeriez-vous que les personnes qui n’ont pas de lésion cérébrale sachent ?

Ils ne devraient pas dire ‘Je sais comment c’est’, parce que ce n’est pas le cas.

Merci de m’avoir écouté !