Un logement approprié et abordable pour les survivants de lésions cérébrales

En plus des changements physiques survenus après une lésion cérébrale, de nombreux symptômes ou déficiences cognitives, émotionnelles et comportementales courantes peuvent augmenter le risque d’itinérance:

  • Des problèmes de maîtrise de la colère
  • Des défis liés au traitement de l’information
  • Des comportements à risque élevé
  • L’incapacité de prendre action
  • Des réactions émotionnelles inappropriées
  • Un manque de contrôle des impulsions
  • Des troubles de mémoire
  • De la persévérance
  • Un mauvais jugement

Parmi les autres facteurs contributifs figurent la discrimination, la violence entre partenaires intimes, la pauvreté et les obstacles systémiques.

La discrimination
La discrimination est souvent un précurseur de l’itinérance et peut continuer après aussi. La discrimination, c’est traiter une personne différemment, selon sa race, religion, capacités, maladie mentale, âge, sexe ou statut socio-économique. Les victimes de discrimination ont souvent des options restreintes et éprouvent de la difficulté à accéder à un logement et à des services offerts aux personnes itinérantes [1].

Environ 28 à 34 % des personnes sans abri au Canada sont des Autochtones. Il s’agit d’un pourcentage de la population autochtone qui représente 4,3 % de l’ensemble de la population canadienne [2].

La violence entre partenaires intimes
La violence entre partenaires intimes (VPI) et la violence familiale peuvent mener à l’itinérance. On estime que 237 personnes sur 100 000 en sont touchées  [3]. Dans certains cas, il devient nécessaire de quitter rapidement la maison sans soutien. Selon l’Observatoire canadien sur l’itinérance:

Il s’agit d’un problème particulier pour les jeunes et les femmes, surtout celles qui ont des enfants. Les femmes qui sont victimes de violence ou qui vivent dans la pauvreté sont souvent obligées de choisir entre une relation violente et l’itinérance. Les jeunes victimes de violence sexuelle, physique ou psychologique se retrouvent souvent sans abri. De plus, les aînés victimes de violence et de négligence sont de plus en plus à risque d’itinérance.” [4,5].

La pauvreté
De nombreuses personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté vivent d’un chèque de paie à l’autre. Ils risquent de devenir des sans-abri, surtout si leur capacité de travailler est compromise en raison d’une perte d’emploi ou d’une maladie.
Défaillances du système
Parfois, les systèmes sociaux canadiens ne fonctionnent pas comme prévu. Cela comprend une mauvaise planification des sorties d’hôpital, d’établissements correctionnels, d’établissements de santé mentale et de centres de lutte contre les dépendances; cela inclut aussi un manque de soutien pour les immigrants et les réfugiés.[6]

L’itinérance n’arrive pas soudainement, ni en vase clos. Il y a habituellement de nombreux effets en cascade qui y mènent, elle est très rarement un choix.

Statistiques sur l’itinérance et les lésions cérébrales

  • Près de la moitié des hommes sans abri qui ont participé à une étude de l’Hôpital St. Michael avaient subi au moins un traumatisme cérébral (TC) au cours de leur vie; 87% de ces blessures s’étaient produites avant qu’ils  deviennent itinérants [7].
  • Des études révèlent que 60% des sans-abri atteints de TC déclarent avoir subi de multiples blessures [8].
  • La plupart des premiers TC surviennent avant l’itinérance, ce qui laisse entendre que les lésions cérébrales sont un facteur de risque pour l’itinérance. Toutefois, il a également été établi que l’itinérance est un facteur de risque pour les TC ultérieurs  [9].
  • Il y a un lien démontré entre les TC et l’augmentation des problèmes de santé mentale, de santé physique et de toxicomanie chez les sans-abri [10].
  • Les personnes sans abri ayant subi des TC semblent avoir une déficience cognitive plus grave que les personnes sans abri n’ayant pas subi de TC [11].
  • Dans une étude sur les femmes ayant subi des TC au Canada, on a constaté que la pauvreté constituait un obstacle important à l’accès aux soins de santé [12].

Plaidoyer pour des logements abordables et appropriés

Personne ne devrait avoir à choisir entre payer son loyer et se nourrir, mais pour certains, cela arrive tous les jours. L’aide financière des provinces est trop faible – surtout dans les villes – pour que les gens puissent trouver un logement abordable, sans sacrifier leurs besoins fondamentaux. Lorsqu’une personne devient sans-abri, il lui est encore plus difficile de trouver un logement. Il y a aussi une stigmatisation liée à l’itinérance qui découle de l’ignorance et du jugement, et cela peut nuire à la capacité de sortir de l’itinérance. C’est particulièrement vrai pour les personnes atteintes d’une lésion cérébrale qui ne sont peut-être pas en mesure de travailler, qui n’ont pas les capacités cognitives de gérer de l’argent ou qui éprouvent d’autres difficultés.

Au Canada, les programmes de logement visant à aider les personnes ayant une lésion cérébrale acquise (LCA) sont sous-financés et les programmes de logements spécialisés en LCA ont de longues listes d’attente, ce qui expose les personnes visées à des risques sociaux, émotionnels et financiers continus.

Puisque les lésions cérébrales sont des affections permanentes, il faut améliorer le soutien et les stratégies en matière de logement abordable, afin d’éliminer les obstacles et offrir du soutien à long-terme. Nous devrions aussi comprendre le cheminement vers l’itinérance des personnes atteintes de lésions cérébrales, car il s’agit d’un élément essentiel de la stratégie de prévention.

Le modèle ‘Logement d’abord’

‘Logement d’abord’ est une approche axée sur le rétablissement qui vise l’élimination de l’itinérance. Elle est axée sur le placement rapide des personnes itinérantes dans des logements indépendants et permanents, et l’offre de soutiens et de services au besoin … Le principe sous-jacent de base de Logement d’abord est que les personnes sont mieux en mesure d’avancer dans la vie si elles sont logées. Cela est vrai pour les personnes en situation d’itinérance, pour celles souffrant de problèmes de santé mentale et de dépendance pour toute autre personne. Le logement est fourni d’abord, et les soutiens sont offerts par la suite, y compris ceux liés à la santé physique et mentale, à l’éducation, à l’emploi, à l’abus de substance et aux liens avec la collectivité. [13]

Ce modèle vise à fournir un logement permanent aux personnes en dépit de leurs circonstances et de leurs besoins.

  • Certaines personnes ont besoin d’options de logement indépendant qui soient abordables et n’aient pas de longues listes d’attente.
  • D’autres ont besoin de logements avec services de soutien intégrés : ces personnes peuvent y avoir une chambre ou un appartement, et avoir aussi accès à du soutien, au besoin. Cela est essentiel pour les personnes qui ont des troubles de mémoire et des problèmes organisationnels.
  • Certaines personnes ont des besoins médicaux complexes et nécessitent des soins à temps plein mais se retrouvent dans des établissements de soins de longue durée pour personnes âgées atteintes de démence et d’Alzheimer. Bien que leurs besoins médicaux soient pris en charge, leur situation ne répond pas de façon significative à leur besoin de socialisation et d’engagement avec leurs pairs.

Pour les personnes atteintes de lésions cérébrales, des mesures de soutien doivent être mises en place pour assurer la sécurité et la durabilité du logement à long terme. Le soutien doit comprendre:

  • L’accès à des services de soutien en santé mentale et à d’autres soins de santé
  • Des services de toxicomanie spécifiques aux personnes ayant subi une lésion cérébrale
  • Des services abordables de garde des enfants
  • Un engagement communautaire
  • De l’aide pour remplir les formulaires – cartes d’assurance-maladie, impôt sur le revenu, subventions disponibles, etc.
  • De l’aide à l’organisation – paiement des factures, ouverture du courrier, établissement du budget, planification, etc.
  • Un soutien à la médiation et à la réconciliation
  • Soutien aux victimes de violence conjugale
Logement d’abord en action : le projet At Home/Chez Soi
Le projet At Home/Chez Soi était un projet de 110 millions de dollars financé par le gouvernement, par le biais de la Commission de la santé mentale du Canada, visant à explorer les approches en soutien au logement  disponibles à la population itinérante du Canada. Le projet a duré quatre ans – deux ans de participation active et deux ans de suivi – et a couvert les villes de Winnipeg, Toronto, Vancouver, Montréal et Moncton. Plus de 2 000 sans-abri ayant des problèmes de santé mentale ont participé au programme. En plus de mettre l’accent sur la santé mentale, les différentes villes se concentraient chacune sur des aspects spécifiques [14]:

  • Vancouver (Colombie-Britannique) – les personnes ayant aussi une consommation problématique de substances
  • Winnipeg (Manitoba) – la population autochtone urbaine
  • Toronto (Ontario) – les populations ethno-culturelles, y compris les nouveaux immigrants qui ne parlent pas l’anglais
  • Montréal (Québec) – une étude professionnelle
  • Moncton, Nouveau-Brunswick – des services pour petites collectivités

Le projet a fourni des logements aux personnes sans abri ainsi qu’implémenté divers modèles de services en santé mentale, afin d’en déterminer les taux de réussite et d’autres facteurs. 66 % des participants avaient subi une lésion cérébrale, un  traumatisme ou un épisode d’inconscience qui aurait pu mener à une lésion cérébrale. At Home/Chez Soi a démontré que le Canada pourrait faire des progrès positifs pour mettre fin à l’itinérance en utilisant le modèle Logement d’abord. Les conclusions suivantes sont présentées dans le rapport final du projet.

Au cours des deux années de l’étude, les participants au programme Logement d’abord ont passé en moyenne 73 % de leur temps dans un logement stable, comparativement à 32 % en traitement habituel. En termes scientifiques, ces différences sont très importantes, parce qu’il y a de grandes différences entre les groupes. Plus précisément, puisque l’étude a utilisé un plan aléatoire et que toutes les caractéristiques qui pouvaient mener à un logement stable étaient équivalentes entre les groupes, à l’exception des interventions, les conclusions peuvent être attribuées au logement fourni, de manière raisonnable et fiable.[15].

  • Le logement en soi motivait les participants, car il les incitait à se comporter d’une manière qui contribuait à l’entretien de leur maison et leur permettait de reprendre leur vie en main.
  • Les participants hébergés du groupe HF ont déclaré avoir davantage de choix quant à l’endroit où ils vivaient, y compris le choix de vivre dans un endroit où ils se sentaient en sécurité et, dans certains cas, loin des cercles sociaux problématiques précédents.
  • Les participants logés dans le groupe HF affirmaient souvent vivre un sentiment de stabilité et de permanence [16].
  • Les participants utilisaient moins les refuges d’urgence et les services hospitaliers d’urgence.
  • Les participants au HF avaient de meilleures habitudes alimentaires et de bien-être, parce qu’ils avaient un endroit où entreposer les aliments.
  • Tous les participants ont déclaré avoir eu moins de contacts avec le système judiciaire.
  • Chaque tranche de 10 $ investie dans le programme Logement d’abord entraîne une réduction moyenne de 3,42 $ à 9,60 $ des coûts des autres services.
  • La qualité de vie quotidienne des participants, auparavant axée sur la survie, est devenue « plus sûre », « pacifique » et « moins coincée », ce qui leur a permis d’aller de l’avant dans leur cheminement.

Toute solution au problème de l’itinérance exigera une approche concertée à tous les niveaux du gouvernement, des organismes communautaires, des entreprises privées et, surtout, la contribution des personnes atteintes de lésions cérébrales.

La différence entre le logement social et le logement abordable
Beaucoup de gens utilisent les termes logement social et logement abordable comme s’ils étaient identiques – mais ils ont chacun une signification différente. Le logement social est un logement subventionné par le gouvernement et mis à la disposition des ménages à faible revenu.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement définit le logement abordable comme « comprenant les logements fournis par les secteurs privé, public et sans but lucratif. Le terme comprend également toutes les formes de logement, soit la location, la propriété et la propriété coopérative, ainsi que le logement temporaire et permanent.”

Rapports et ressources sur le logement

Comment promouvoir un logement approprié et abordable

Le plaidoyer pour l’accès à un logement approprié et abordable comporte différents niveaux. Il faut sensibiliser davantage le grand public à la situation critique du logement au Canada, sensibiliser le Conseil de la stratégie nationale sur le logement pour qu’il y ait des logements appropriés pour les survivants de traumatismes crâniens, et mener des activités de plaidoyer à grande échelle auprès des organismes gouvernementaux.

Voici quelques façons de promouvoir un logement approprié et abordable:

  • Écrivez aux représentants de votre administration locale
  • Partagez les recherches et l’information sur l’accès au logement, avec votre réseau
  • Signez des pétitions d’organisations diverses
  • Communiquez avec vos associations locales des lésions cérébrales pour savoir si elles participent à des initiatives spécifiques

Resources


Voir sources

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You may use these HTML tags and attributes:

<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>