Carrick W

Peu après mon 17e anniversaire, j’ai eu un accident qui m’a causé une lésion cérébrale catastrophique. Elle a eu et continuera d’avoir des répercussions sur le restant de ma vie. Je me suis fait jeter ou suis tombé du lit d’un camion qui roulait sur l’autoroute à grande vitesse. Malheureusement, j’avais des habitudes qui étaient devenues trop courantes.

J’ai passé environ trois mois dans le coma. J’ai perdu la vue, j’ai été atteint de paralysie et j’ai eu de multiples accidents vasculaires cérébraux (9 en tout, l’un après l’autre). Mon histoire est une histoire de survie, mais surtout une histoire de sensibilisation. Je ne peux absolument pas expliquer le niveau de difficulté et de frustration que les handicaps peuvent causer au quotidien, mais j’espère que vous puissiez vous l’imaginer.

C’est mon frère aîné qui m’a trouvé, le soir fatidique de mon accident. Ensuite, ma sœur aînée est arrivée sur les lieux. Je ne peux que m’imaginer ce qu’ils ont dû vivre. Il y a beaucoup de coïncidences dans la vie, si on peut parler de coïncidence. Mon frère aîné revenait en ville avec des amis et ils m’ont trouvé sur le bord de la route, suivi d’autres véhicules, bien sûr. L’un d’eux était un autobus dans lequel se trouvait l’une de mes sœurs aînées et quelques-unes de ses amies. Je ne peux que spéculer sur comment je me suis retrouvé sur le bord de l’autoroute, mais j’y étais, et j’ai été sauvé par mon frère et ma soeur.

On m’a immédiatement emmené à l’hôpital et on m’a transporté par avion vers un endroit qui était prêt à faire face à une telle blessure. On m’a dit qu’au début, une partie de mon comportement a été attribué au fait qu’on soupçonnait que j’étais sous l’influence de l’alcool, mais en fait, c’était à cause d’une blessure à la tête et d’une hémorragie massive à l’intérieur de ma tête. Quand on se frappe la tête aussi fort, le cerveau peut enfler et créer beaucoup de pression.

J’ai dû subir une intervention chirurgicale afin de retirer un volet osseux et y installer un drain pour aider avec l’enflure. Il m’est difficile de me souvenir de tous les petits détails, évidemment, mais il m’est difficile d’en oublier les gros. Je ne souhaite à personne d’avoir à vivre cette expérience, la sensation de manquer de volet osseux et de devoir régulièrement se faire enlever du liquide. J’avais besoin d’anticoagulants pour réduire les caillots sanguins qui s’étaient formés. Pendant toute cette épreuve, mes parents ont pris soin de moi et m’ont administré la plupart des injections d’anticoagulants dont j’avais besoin. Il est difficile d’imaginer comment ils se sont sentis en le faisant, mais ils l’ont fait, et cela a certainement aidé. À bien des égards.

On a dit à ma famille que, si je survivais, j’aurais peu ou pas de qualité de vie et d’indépendance. J’étais en état de mort cérébrale et, en fait, j’ai fait du surplace à plus d’une occasion lorsque j’étais à l’hôpital, ce qui a dû être si difficile à voir. Je ne suis ni médecin ni professionnel du domaine médical, mais je sais qu’on dit que lorsqu’une personne se retrouve sans oxygène pendant une période prolongée, elle est incapable de se rétablir. J’ai été privé d’oxygène et c’est vrai que j’ai perdu beaucoup de choses, mais en faisant plein de tâches répétitives, j’ai pu récupérer beaucoup de choses, mais pas tout. Je dis « répétitif » parce qu’on m’a demandé souvent mon nom et mon âge, par exemple. J’ai passé de nombreuses heures à travailler sur différentes choses. Les cours d’élocution sont une autre chose dont il m’est difficile de me souvenir à 100 %, mais j’en garde de petits morceaux. Dieu merci, ma famille et les professionnels ont été patients avec moi et prêts à m’aider. J’attribue à ma famille, et plus particulièrement à mes parents, le mérite d’avoir été la principale raison pour laquelle j’ai pu me rétablir.

On avait dit à ma famille que je ne marcherais et ne parlerais plus jamais, que je dépendrais plus ou moins de la machine respiratoire et des soins auxiliaires pour toujours. C’est vrai que j’ai été dépendant d’eux pendant un certain temps, mais avec de l’aide, j’ai pu retrouver des capacités.

Avant ma blessure, j’étais très actif dans le domaine des sports et du travail, en général. C’étaient des choses que je prenais pour acquises. Je travaillais pour l’entreprise de construction de maisons en bois sur mesure de mon père, j’avais travaillé sur les fermes de certains amis lorsque possible, j’avais travaillé avec mon frère aîné sur certains de ses projets, et j’avais aidé mes grands-parents, pendant ma jeunesse. L’un d’eux avait une petite ferme d’élevage de bovins et l’autre une entreprise de construction. J’ai beaucoup aimé le temps que j’avais passé au travail et je ne l’oublierai jamais. J’étais au début d’un stage d’apprentissage et je travaillais fort pour faire ce que j’avais toujours voulu faire: travailler dans la construction et la menuiserie.

J’aimais aussi le sport. J’avais joué au hockey tout au long de mon enfance et de mon adolescence, avant ma blessure. J’avais aussi joué au baseball et au rugby à l’école secondaire. Maintenant que je suis incapable de faire ces choses, je suis tellement reconnaissant d’avoir pu en faire l’expérience. J’ai passé beaucoup de temps à pêcher, à faire du vélo et à bâtir des forts avec mes amis. L’air frais et la possibilité de passer du temps dehors et d’y apprendre sont des expériences inestimables dans la vie et le développement d’un enfant. À mon avis, il est aussi extrêmement important de passer du temps de qualité en famille et entre amis.

Je travaille fort chaque jour pour profiter pleinement de la vie. Être aveugle et vivre avec le risque de crises d’épilepsie n’est pas facile. Ma mission dans la vie est d’essayer de conscientiser les autres au sujet des blessures à la tête et des changements qu’apporte la perte de vue. Je suis aveugle et cela touche toutes les parties de ma vie. Je ne peux pas nier que c’est incroyablement frustrant; je n’ai pas l’air aveugle parce que c’est le résultat d’une blessure à la tête et d’accidents vasculaires cérébraux. Quand je dis que je n’ai pas l’air aveugle, je veux dire qu’il n’y a pas de différence dans mes yeux et je n’ai pas de chien-guide. J’ai ma canne blanche qui m’aide énormément. Beaucoup de gens ne savent pas que ces choses jouent un rôle crucial dans la vie de quelqu’un, car les apparences peuvent être très trompeuses et induire en erreur.

Si je disais que le fait de souffrir d’une lésion cérébrale ne me touche pas sur le plan cognitif, je mentirais. C’est certainement le cas. J’ai déjà été très bon en mathématiques et assez bon en résolution de problèmes. Je ne me suis certainement pas toujours appliqué de la façon ou dans les situations que j’aurais souhaitées. J’apprenais assez rapidement sur le chantier et j’avais de la facilité à écrire. Depuis ma lésion cérébrale, cependant, je trouve certaines choses difficiles, assez souvent, mais pas insurmontables! Comme tout autre obstacle, il faut trouver une autre façon de s’y prendre.

Je me fie aux signaux que j’établis moi-même, par exemple, mon réveil, ou le fait de m’endormir à la même heure pour pouvoir me réveiller à la même heure. Il faut vraiment faire des essais et des erreurs. Malheureusement, il s’agit surtout d’erreurs desquelles je dois apprendre. Je n’avais que 17 ans au moment de mon accident et je n’avais pas encore terminé mes études secondaires. Lorsque j’en ai été capable, j’ai préparé des choses par l’entremise de mon ergothérapeute et de l’école secondaire pour terminer mes études! L’ergothérapeute m’a beaucoup aidé, elle a été patiente et m’a expliqué tant de choses ! Elle m’a aidé avec le travail et m’a montré comment faire certaines choses. En fait, j’ai suivi deux cours en ligne avec son aide, en nutrition et en dressage de chiens! Cette ergothérapeute et ma famille m’ont aidé de bien des façons. Leur patience et leur compréhension ont été et sont inestimables! L’un de mes défis actuels est une mémoire défaillante. Il y a certainement des choses que je n’oublierai jamais, comme la sensation de perdre la capacité de bouger mes mains et de sentir le monde qui m’entoure, comme auparavant. Je ne me souviens pas de ce que c’est que d’être une personne « normale ». Je ne me souviens pas de beaucoup de choses que tant de gens prennent pour acquises chaque jour. Je peux apprécier ces choses, mais je ne m’en souviens pas.

Ce dont je me souviens, cependant, c’est de la tranquillité de l’amour d’un parent. Pas seulement l’amour que mes propres parents et ma famille m’ont donné, mais aussi l’amour et la tendresse dont j’ai été témoin de la part d’autres parents. Ma famille a tant fait pour moi au fil des ans et m’a aidé de bien des façons. Ils m’ont aidé à comprendre l’importance de lutter pour un avenir meilleur et pour une vision de la vie plus optimiste.

Je suis extrêmement fier d’être Canadien, je me sens honoré de venir d’un si beau pays qui a rendu mon rétablissement possible. Je m’entraîne aussi le plus fort possible chaque jour dans l’espoir de représenter notre pays et de donner de l’espoir aux autres. Si je peux sensibiliser les autres aux lésions cérébrales et à la perte de la vue, je voudrais leur montrer qu’il est possible de les surmonter en travaillant fort. Il fut un temps où je n’étais pas capable de marcher, ni de faire grand-chose, mais maintenant je peux pousser des centaines de livres sur une presse-jambe, faire du vélo (un kilomètre en une minute), et ramer aussi vite que certains rameurs professionnels. Quand j’étais enfant, j’aimais différents sports, j’adorais le hockey, j’aimais le baseball et le rugby et j’en profitais vraiment. Je regardais la boxe et la lutte chaque fois que je le pouvais; j’ai toujours voulu essayer ces sports parce qu’ils semblaient tellement amusants et que j’avais l’air d’y exceller. Il n’y a pas moyen de les pratiquer, mais il y a d’autres sports qui me passionnent. Je m’entraine avec des poids et haltères 4 à 6 jours par semaine. J’adore l’aviron et le cross-fit. Je suis devenu un fervent cycliste et je fais de la marche régulièrement. J’allais dans un gym polyvalent à Goderich, en Ontario, avant la pandémie, il y avait un entraîneur là-bas qui m’avait beaucoup aidé! Compréhensif, ouvert d’esprit, il m’a expliqué les choses et m’a beaucoup encouragé!

Maintenant que nous pouvons y retourner en toute sécurité, je m’entraine au YMCA. L’atmosphère y est excellente, c’est un gym propre, ouvert, bien géré, et l’entraîneur avec qui je travaille m’a beaucoup aidé! C’est un gars super et patient, qui prend le temps de m’expliquer et de me montrer des choses.

Je ne peux pas insister assez sur l’importance de faire de l’exercice et du conditionnement physique dans ma vie. Cela m’a aidé de bien des façons – non seulement à vivre en meilleure santé, mais aussi à garder mes forces, à atteindre mes objectifs et à gagner en confiance. Que vous cherchiez à atteindre un niveau de compétition ou que vous vouliez simplement essayer d’exercer davantage, je vous suggère une sorte de routine d’exercice. Après l’accident, j’ai fait de la réadaptation et j’ai travaillé avec des formateurs en réadaptation. Mon père m’a aussi beaucoup aidé à faire de l’exercice! Cela m’a rendu plus positif et confiant, ce qui est bon pour quiconque tente de se rétablir d’une blessure à la tête, ou de toute autre blessure.

Mon chien de compagnie est devenu une autre partie précieuse de ma vie. Il n’est absolument pas un chien d’assistance, mais plutôt un compagnon et un ami proche. Je crois que les chiens sont nos meilleurs amis pour une bonne raison!

Je ne pourrai jamais faire comprendre aux gens à quel point il est important d’être là les uns pour les autres. On ne peut pas le comprendre pleinement jusqu’à ce qu’on ait à vivre ces choses au quotidien, mais je vous demande simplement d’y réfléchir et d’apprécier combien notre vie est belle! Même si parfois c’est difficile, on peut tous apprendre, parfois avec un peu plus d’aide, mais il n’y a rien de mal à cela! Il n’y a pas de quoi avoir honte. Les lésions cérébrales et la perte de la vue sont difficiles à bien des égards, mais si on n’essaie pas et on ne fait pas d’efforts, cela devient encore plus difficile!

Je fais ce que je fais pour la famille, les amis, mais je le fais aussi pour chaque personne qui a dû traverser des périodes difficiles, vaincre les obstacles, adossé au mur, et a pu triompher! Les lésions cérébrales et la perte de la vue sont difficiles à vivre, mais j’ai la chance d’être en vie et de voir, ne serait-ce qu’à 2.5-3%. J’ai eu la chance de retrouver la capacité de marcher, faire du vélo, de l’aviron. Par-dessus tout, j’ai eu la chance d’avoir eu une deuxième chance et l’environnement nécessaire pour me rétablir!

Voici donc mon histoire. Si elle peut contribuer à vous donner un peu d’espoir, j’espère qu’elle aura vous inspirer à ne jamais abandonner et à toujours lutter pour ce que vous aimez!