Matías M

En septembre 2013, j’ai été victime d’un accident qui a failli me coûter la vie. En rentrant du travail à vélo, j’ai été renversé par un gros véhicule sur la rue Elgin. Ce véhicule n’avait pas tenu compte de ma présence sur la route et ne m’avait pas laissé de place lorsqu’il est passé. En un instant, je me suis senti piégé alors qu’il a accéléré et accroché mon guidon, me faisant perdre le contrôle. En une fraction de seconde j’ai ressenti une peur et une terreur immenses. Puis l’obscurité.

Le problème d’une lésion cérébrale traumatique est que lorsque le cerveau heurte l’intérieur du crâne, il peut provoquer des saignements, des ecchymoses, des lésions tissulaires, des modifications neurochimiques spécifiques et une augmentation des hémorragies intracrâniennes. Dans mon cas, les médecins m’ont dit que je souffrais d’une hémorragie sous-durale à plusieurs endroits et d’une hémorragie du lobe frontal qui a failli nécessiter une neurochirurgie. Après de nombreux tomodensitogrammes et huit jours flous à l’hôpital, je suis rentré chez moi à London, en Ontario, pour me rétablir pendant deux mois. J’ai quitté mon emploi et j’ai mis en pause Ottawa Showbox, un site web musical local que j’avais lancé en 2012. Mon monde s’était pratiquement arrêté. C’est une chose étrange, vraiment. Vous vous réveillez un matin, vous partez la machine le café et prenez votre petit-déjeuner comme d’habitude. Vous vous habillez de la même manière qu’avant. Puis vous sortez pour affronter le monde, mais à l’intérieur, vous ne vous sentez pas comme vous-même. Une belle journée ensoleillée à l’extérieur vous semble sombre, enveloppée d’un certain type d’ombre que vous n’arrivez pas à discerner.

Les premiers mois qui ont suivi l’accident ont été sinistres. Je m’étais littéralement retiré de la société, me cachant dans le sous-sol de mes parents, évitant la lumière, les bruits et la plupart des contacts humains. Outre le fait d’être complètement sédentaire, j’ai remarqué que je me sentais différent. J’étais confronté à la réalité que mon diplôme de maîtrise n’allait peut-être plus suffire pour que poursuive une carrière. Je ne savais pas qui j’étais, qui je deviendrais, ni où j’allais. Les facteurs inconnus liés à ma lésion cérébrale ont été l’une des choses les plus difficiles à gérer. Il m’arrivait régulièrement de rester éveillé jusqu’à 4 heures du matin sans avoir la moindre notion de l’heure. J’ai commencé à avoir des crises de panique la nuit, ce qui, si vous ne le savez pas, peut donner l’impression qu’on est sur le point de mourir. J’ai également commencé à m’en prendre à ma famille et à mes proches, avec des accès de rage, de tristesse et d’anxiété. Cela s’accompagnait de sentiments de culpabilité et de honte, car je savais qu’ils essayaient de m’aider, mais que je les traitais si mal. La plupart du temps, j’étais morne, avec très peu ou pas de sentiments de positivité et de bonheur. Il n’a pas fallu longtemps pour que l’on me diagnostique des troubles de l’anxiété et de la panique, ainsi qu’une dépression. Il est très difficile de décrire ce que l’on ressent face à l’anxiété et à la dépression, car elles se manifestent différemment chez chaque personne. Mon anxiété se caractérise généralement par un sentiment de dissociation de moi-même et une sensation d’étouffement dans la poitrine qui me pousse et me tire jusqu’à ce que j’aie du mal à respirer. Dans le pire des cas, l’anxiété me fait me sentir névrosé et instable, avec une vision en tunnel qui obscurcit le monde réel tel que les autres peuvent l’observer. Dans le pire des cas, ma dépression me donne l’impression que le monde entier est enveloppé de noir et de gris, avec très peu ou pas de joie. Sortir du lit devient presque impensable, sans parler du travail ou des relations sociales. Telles sont les sombres cavernes sans fin que nous, les malades, devons endurer.

Après une lésion cérébrale, il faut généralement environ deux ans au cerveau pour retrouver sa neuroplasticité et régénérer les neurones meurtris et les voies endommagées par le traumatisme. Après quelques dépressions nerveuses et des crises de panique dans les mois qui ont suivi l’accident, j’ai compris que j’avais besoin d’aide. La meilleure décision que j’ai prise a été d’être proactif dans mon rétablissement. J’ai reconnu certains problèmes cognitifs et comportementaux initiaux, j’ai pris rendez-vous et j’ai fini par accepter mon nouveau moi. À un moment donné, j’ai décidé que si je devais passer deux ans pour faire des progrès et me rétablir, je devais saisir cette occasion, même si c’était difficile. J’ai également décidé d’éviter les médicaments et de me concentrer uniquement sur la thérapie cognitive, qui me convenait parfaitement. Le fait de consulter un psychologue et d’aller au fond des choses m’a été incroyablement bénéfique, et je pense vraiment que tout le monde devrait le faire. Le fait d’ouvrir la plaie et de mieux la regarder de l’intérieur m’a aidé à comprendre ce à quoi je faisais face et comment vivre avec les problèmes de santé mentale plutôt que de lutter contre eux. Comment vit-on après avoir subi une lésion cérébrale? Comment faire face aux problèmes de santé mentale? Il n’y a pas de réponse unique à cette question et chaque personne a des besoins différents. Parfois, les médicaments sont la seule option, parfois la thérapie cognitive suffit.

Plus de deux ans se sont écoulés depuis l’accident, et je dois toujours faire face à l’anxiété et à des épisodes de dépression. Ils ont tendance à se succéder par vagues – la plupart du temps, les journées sont aussi heureuses et amusantes qu’avant, mais il y a des moments où le nuage revient et assombrit ma journée. Cependant, j’ai appris à accepter ce type de douleur et à la traverser, et non à la combattre. Si vous naviguez avec les vagues dans une tempête plutôt que contre elles, vous finirez par atterrir les pieds sur le rivage.

D’une certaine manière, la musique m’a sauvé la vie. Je mentirais si je n’attribuais pas une grande partie de mon rétablissement à Showbox et à la communauté musicale d’Ottawa. À l’époque où l’accident s’est produit, mon site web se développait et le trafic augmentait. Bien que l’incapacité de travailler ait été débilitante, j’ai reçu un peu d’argent de l’assurance de remplacement du revenu et j’ai réussi à me maintenir à flot après l’accident. Cela m’a également permis de me concentrer sur l’écriture créative et de consacrer plus de temps et d’efforts à Showbox. Je devais tirer le meilleur parti d’une mauvaise situation, car je savais que la stagnation et la solitude ne feraient qu’aggraver mon état. La musique a toujours fait partie intégrante de ma vie. En tant que consommateur passif de musique, nous pouvons écouter un album ou assister à un spectacle et nous sentir bien après. C’était certainement un aspect thérapeutique de mon rétablissement, qui m’a aidé à concentrer mon cerveau et à repousser les pensées chaotiques. Mais en tant que participant actif à la communauté, écrire sur la musique m’a donné un but à un moment où je m’interrogeais sur ma place dans le monde. Cela m’a permis de sortir du lit et de m’asseoir à mon bureau. J’ai appris que la créativité et l’expression de soi peuvent être un moyen incroyablement utile de repousser ses démons. Que vous écriviez, dessiniez, peigniez, fassiez des caricatures, conceviez des tatouages, écriviez des poèmes, tourniez des vidéos, écriviez des paroles, composiez une musique, fassiez un zine, preniez des photos, conceviez des vêtements, fabriquiez des bijoux à la main, écriviez du code, ou simplement griffonniez quelque chose d’original sur une page, la créativité est un puissant antidote pour l’esprit.

C’est ma nouvelle normalité. Ce n’est pas parfait et ce n’est pas comme avant. Mais un réseau de soutien composé d’amis et de membres de la famille, un exutoire créatif et les conseils professionnels d’un psychologue ont fait partie intégrante de mon rétablissement. Je suis heureux de pouvoir dire que j’ai retrouvé mes marques et que, près de dix ans plus tard, j’ai tracé une nouvelle voie professionnelle pour moi-même et que je suis en mesure de mener une vie indépendante, pleine et heureuse. Cela ne veut pas dire que je n’ai plus à faire face aux effets secondaires de la lésion cérébrale, mais j’ai appris à « baisser le volume » de la plupart des effets les plus gênants et à les intégrer dans ma vie d’une manière qui me permet d’avoir un sentiment de contrôle et d’espoir pour l’avenir. Un ami proche m’a dit un jour que nous devions tous garder un petit coffre au trésor à l’intérieur de nous, et le remplir de toutes les choses que nous aimons. Dans ce coffre, nous devrions mettre toutes les bonnes actions que nous avons faites, tous les gestes de gentillesse envers les autres, et un petit rappel que nous sommes précieux pour quelqu’un d’autre. Lorsque les pensées les plus sombres surgissent et qu’il semble que tout espoir soit perdu, prenez la clé et ouvrez ce coffre pour voir ce qu’il contient.

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